Simple chapelle bénédictine jusqu'au XVIIIe siècle, l'église Saint-Georges de Bourbon-l'Archambault est un joyau d'inspiration bourguignonne, riche d'un passé hors du commun.
Construite dans la seconde moitié du XIIe siècle, sur l'emplacement d'un ancien temple romain dédié à Apollon, l'église Saint-Georges n'était à l'origine qu'une simple chapelle abbatiale des "Dames de Saint-Menoux". Elle ne devint église paroissiale qu'au XVIIIe siècle, et fut alors le siège d'un important archiprêtré du diocèse de Bourges, dont dépendaient quarante-sept paroisses.
Pendant la Révolution, elle est devenue dépositaire d'un trésor constitué par l'insigne Relique de la Vraie-Croix et une épine de la Sainte-Couronne, l'une et l'autre apportées à Bourbon en 1287 par Robert, le fils de Saint-Louis, époux de Béatrice, Dame de Bourbon et dernière descendante de la lignée des sires de Bourbon. Un trésor qui est parvenu jusqu'à nous après avoir connu moult vicissitudes et échappé aux plus grands dangers, lors des saturnales révolutionnaires de 1793. Il se double d'une richesse matérielle sous la forme de trois magnifiques reliquaires.
Le plan de la chapelle primitive était celui de la "croix latine", peu prononcée en raison du faible développement du transept. Elle comportait trois nefs, la nef principale étant flanquée de deux chapelles absidiales dédiées à la Sainte-Trinité et à Notre-Dame. Le chur était légèrement incliné à gauche, comme dans beaucoup d'églises construites à cette époque sur le même plan, par référence à l'inclinaison de la tête du Christ expirant en croix.
Au XVe siècle, les bas-côtés furent élargis, au niveau de la troisième travée, par la construction de deux chapelles latérales de style gothique constituant une sorte de faux transept à la chapelle primitive. Celle située à droite (au sud) date probablement du début du XVe siècle (début du gothique) ; elle s'ouvre par une baie en anse de panier ; elle est voûtée sous quatre bandes d'ogives et éclairée par deux fenêtres tréflées ; primitivement placée sous le patronage de Saint-Crépin, elle est devenue "chapelle Saint-Georges". La construction de la chapelle de gauche est nettement postérieure à celle de la précédente. Elle porte en effet la marque d'un gothique plus avancé. Voûtée d'ogives avec liernes et tiercerons, elle est éclairée par une baie à "rampage flamboyant" annonçant le gothique du même nom. Primitivement dédiée à "Messire Saint-Antoine", elle porta successivement les vocables de "Vigier" et de "Saint-Aubin" ; elle est devenue la "chapelle de la Sainte-Croix" depuis le 12 juin 1791, date à laquelle le maire de Bourbon y fit transporter les Reliques conservées jusqu'alors dans la Sainte-Chapelle du château.
Entre 1845 et 1851, d'importants travaux d'agrandissement et d'aménagement furent entrepris sous la direction de M. Esmonnot, architecte du département de l'Allier. Les chapelles absidiales disparurent. L'église fut prolongée par un nouveau chœur profond, précédé de deux travées et entouré d'un déambulatoire flanqué de trois chapelles rayonnantes. A l'issue de ces travaux, les dimensions de l'église furent portées à 52 mètres de long et 14m40 de large.
Entre 1871 et 1880, les bras du transept furent prolongés par deux chapelles au plan semi-circulaire : la chapelle de la Sainte-Vierge en 1872, la chapelle du Sacré-Chœur en 1879.
C'est en 1732 que la chapelle primitive devint officiellement église paroissiale, à la suite de l'ordonnance de déclassement de l'église Saint-Germain par l'archevêque de Bourges, le cardinal de la Rochefoucaud. A cette date, il y avait déjà longtemps que l'église Saint-Germain était tombée en désuétude, et c'est en 1635 qu'eut lieu à l'église Saint-Georges le premier baptême, et en 1645 le premier enterrement.
LE MONUMENT
Le monument lui-même est de style roman bourguignon "de transition".
La porte, construite dans un profond ébrasement sur l'axe de la nef centrale, est formée de quatre puissantes archivoltes qui reçoivent huit colonnes engagées dans des angles rentrants et dont les chapiteaux sont couronnés de feuillages, d'ornements géométriques et de têtes humaines dans le style de celles qu'on rencontre à Souvigny. Deux autres colonnes, plus volumineuses, sont engagées sur la face, surmontées de chapiteaux de même style que les précédents. Enfin, la voussure de l'archivolte extérieure est ornée de rudentures (moulures en forme de bâtons rappelant les éléments constitutifs de la frise "dorique" de l'architecture grecque) pressées (visibles seulement sur les côtés) s'apparentant à des triglyphes antiques.
La construction d'un porche composé de quatre pilastres cannelés venant en avant-corps, couronnés de chapiteaux dérivés de l'acanthe (chardon) d'où partent des voussures ornées d'oves, de palmettes, de rubans perlés, indique que le maître d'œuvre fut imprégné de l'esthétique architecturale de l'école bourguignonne, exprimée dans la basilique de Souvigny.
L'ancien tympan en pierre a disparu pour faire place à une figuration en bois de Saint-Georges terrassant un dragon.
La partie supérieure du bahut est couverte d'un rampant soutenu par une corniche fruste que supportent neuf modillons formés par des têtes humaines, dont seuls ceux des extrémités sont en relativement bon état. Sur les vingt-huit autres, répartis sous la corniche et dans les murs des bas-côtés, on trouve encore quelques têtes humaines, mais plus encore certains ornements géométriques d'inspiration régionale.
Les fenêtres de la façade sont en plein cintre, entourées d'un cordon de billettes.
Une gargouille à tête de démon part du point d'amorce de la chapelle de la Sainte-Croix avec le "bas-côté".
Enfin, dans l'assise d'arête du rampant nord, au-dessus de la corniche du mur gouttereau, se trouve une sculpture représentant un personnage en posture indécente qui pourrait évoquer Saint-Grelichon, thaumaturge ancien réputé comme ayant le pouvoir de mettre fin à la stérilité féminine.
LE CLOCHER
Gravement endommagé par la foudre en 1754, puis arasé sous la Révolution, le clocher de l'église fut l'objet d'une restauration sommaire au début du XIXe siècle. C'est en 1865 qu'il fut reconstruit, sur le plan bourguignon à deux étages d'arcatures, tel qu'il est aujourd'hui, sur les plans de l'architecte Esmonnot. Il comporte deux étages de fenêtres "géminées" comprises sous une grande arcade. La flèche de pierre, très élancée, est entourée à sa base par quatre clochetons. Il est assis sur une coupole à huit pans placée sur la croisée, à l'intérieur de l'église, qui repose sur quatre trompes dont les trompillons reposent sur des têtes de béliers et de loups.
L'INTERIEUR DE L'EGLISE
En entrant dans l'église, on remarque les caractères distinctifs du style roman bourguignon : voûte principale dépourvue de fenêtres, en tiers-point, ou berceau brisé, interrompu par les arcs en plein cintre des croisillons, le tracé en arc brisé, en mitre, se retrouvant sur les grandes arcades réunissant la nef aux bas-côtés qui, eux, sont voûtés d'arêtes. Ces arcades reposent sur des piles cruciformes flanquées de quatre colonnes engagées dont les bases sont allégées par une assez large "scotie" ouverte entre deux "tores" parfois agrémentées d'un "câble".
Les chapiteaux
Placés sous des tailloirs ornés ou simplement creusés d'un cavet qui se prolonge, le long de la nef, dans un bandeau, plusieurs des chapiteaux sont demeurés "épannelés", mais d'autres sont revêtus de feuilles d'eau, de marques ou de scènes intéressantes. A l'opposé de l'influence bourguignonne qui caractérise l'église, ces chapiteaux relèvent plutôt du style sculptural auvergnat : chapiteaux ornés de rinceaux symétriques et enroulés, hautement décoratifs, ou d'oiseaux, ou de feuilles de plantes aquatiques, chapiteaux à personnages.
L'église ancienne comptait soixante-six chapiteaux au galbe uniforme. Un certain nombre d'entre eux ont disparu lors des travaux d'agrandissement de l'église. Il en subsiste un peu plus de cinquante. Certains sont sculptés, d'autres sont peints ; plusieurs sont à la fois peints et sculptés ; neuf, enfin, sont des chapiteaux dits "à personnages" de style typiquement auvergnat.
Parmi ces derniers, il y a lieu de citer :
-celui se trouvant sur la face du premier pilier gauche (peint et sculpté) représentant un évêque avec sa crosse et entouré de trois infirmes ;
- celui dit "des musiciens", l'un des plus remarquables, sur la face du pilier gauche de la chapelle du Sacré-Chœur, avec un personnage semblant attire la mesure, entouré d'autres jouant du syrinx (flûte de Pan), de la viole et du cor ;
- ceux des piliers du transept représentant : l'un des anges sonnant de la trompette au jugement dernier et l'autre des anges présentant des phylactères énumérant les bonnes et mauvaises actions ;
- d'autres, sur chaque pilier du chœur (de face), représentant : l'un des anges adorateurs étendant les bras comme les anges "orants" des catacombes, l'autre deux anges bénissant le peuple ;
- sur le pilier gauche du chœur (côté nef) sont représentés deux anges portant une couronne, représentant la Très Sainte Trinité au milieu de laquelle se tient l'Agneau Pascal;
- sur le pilier droit du chœur (côté nef) on peut voir un mélange de têtes humaines et d'oiseaux fantastiques affrontés au milieu de volutes de feuillages et de grappes de fruits ;
- le dernier des chapiteaux "à personnages" (sur la face, côté neuf, de la "Vierge de Pierre") est celui dit de la "Luxure" représentant un diable cornu entouré de deux personnages montés sur un bouc et soufflant dans un cor.
Les autres chapiteaux représentent :
- des animaux bizarres tirés des premiers bestiaires (premier pilier gauche, bas-côté ; troisième pilier droite, de face ; pilier gauche de la chapelle Saint-Georges) ;
- l'entrelacement d'êtres monstrueux et de dragons ;
- des feuillages, tantôt reposant sur un cercle de boutons orlés (deuxième pilier gauche, face), tantôt se développant en longues et étroites feuilles serrées les unes contre les autres, ou garnissant d'un seul jet, par une large et plantureuse proportion, toute la corbeille du chapiteau. Facilement reconnaissables, ces derniers chapiteaux sont peints ;
- de simples cannelures, ciselées en éventail, légèrement retroussées et simulant les nerfs et découpures de la feuille romaine (deuxième pilier gauche, bas-côté) ;
- des feuillages surmontés, à chaque coin du chapiteau, de têtes humaines représentant l'acanthe (deuxième pilier droit, face) ;
- parfois l'ornementation est presque nulle et barbare ; parfois elle rappelle, par la disposition de l'ensemble de ses volutes et de ses retroussis, les divisions plus savantes des feuilles sur la corbeille corinthienne (pilier gauche, chapelle du Sacré-Chœur, face intérieure) ;
- deux chapiteaux, enfin, (piliers du transept, bas-côtés) ressemblent à des "bases" comme ceux qui ont été signalés par Viollet-le-Duc à Ebreuil et à l'ancienne église de Cusset. Les tailloirs biseautés, ou simplement ornés de boudins, supportent les sommiers des arcs, dont le "lit de pose" déborde le diamètre de la colonne.
Les Chapelles
- La Chapelle de la Sainte-Vierge
Elle est dominée par l'admirable statue, en marbre blanc, de la "Vierge à l'Enfant" datant du XIVe siècle, qui provient de la première Sainte-Chapelle du château (autel de Notre-Dame, au-dessus du Trésor). Cette statue fut apportée à l'église le 12 juin 1791, en même temps que les Saintes-Reliques, ce qui la préserva probablement d'une totale destruction. Les vitraux de la chapelle commémorent les apparitions de la Vierge à Lourdes, Notre-Dame de la Salette, et Pontmain.
La chapelle du Sacré-Choeur (en face de la précédente)
Cette chapelle renfermait le lutrin dont les pentes sont en fer ajouré et ouvragé, peint et doré, don de Madame de Montespan qui occupe aujourd'hui la chapelle de la Sainte-Croix. Le pupitre du lutrin porte, sur l'une de ses pentes, les armes de France, inscrites dans un losange, surmontées de la couronne royale et entourées de palmes. L'autre pente présente, sous la même couronne, et entourées des mêmes palmes, entrelacées avec une grande élégance, les initiales de la marquise "FAML" (Françoise Athénaïs de Montespan), la lettre "L" étant, évidemment, une allusion à Louis XIV en raison des liens étroits unissant la marquise au souverain. Il faut savoir toutefois qu'en réalité, Madame de Montespan s'appelait : Marie, Françoise de Rochechouart de Mortemart ; Athénaïs était son nom de "précieuse".
La chapelle de la Sainte-Croix
Sa dénomination remonte au 12 juin 1791, date à laquelle furent déposées les reliques de la Vraie-Croix et de la Sainte-épine conservées, jusqu'alors, dans la Sainte-Chapelle du château. Elle a été remaniée en 1836, à l'initiative du curé Desrosiers. On y remarque :
- le "caveau" destiné à recevoir la relique de la Vraie-Croix. Il a été édifié d'après une gravure de "l'Ancien Bourbonnais" reproduisant celui où étaient déposées les reliques de la Sainte-Chapelle du château, connu sous le nom de "Trésor". Ce caveau est fermé par la porte en fer doré et grillagé provenant de la Sainte-Chapelle.
- un vitrail du peintre verrier Thibaut (1838) représentant, au centre, le reliquaire du duc Louis II avec : à gauche Saint-Louis présentant la relique au duc de Bourbon ; au centre, contre la croix, Sainte Marie-Madeleine ; à droite Saint-Jean et la Sainte-Vierge. De chaque côté, sont représentés, agenouillés, le duc Pierre de Beaujeu et la duchesse Anne de France. De part et d'autre de la partie supérieure du vitrail, dans deux lancettes, ont été incrustés quelques fragments de vitraux provenant de ceux de la Sainte-Chapelle. Au-dessus du vitrail lui-même, on remarque deux phylactères représentant la ceinture portant la devise des ducs de Bourbon « Espérance ». Au-dessus de ces phylactères sont représentés deux écus des ducs de Bourbon. A gauche, celui du duc Louis Ier, écu composite où figurent à la fois les emblèmes des sires et des ducs ; à droite, celui des Bourbons à partir de Louis II. En effet, avant lui, depuis le mariage de Robert de Clermont avec Béatrice de Bourbon, les Bourbons portaient les armoiries royales à fleurs de lys dorées sur fond bleu. En sa qualité de puîné, Louis II brisa l'écu ancien d'une bande de gueules, suivant les lois héraldiques du temps, pour indiquer que les Bourbons constituaient la branche cadette de la Maison de France. Enfin, à la partie supérieure du vitrail, on remarque une représentation de la couronne d'épines.
Au-dessous du vitrail, une clef de voûte aux armes des ducs, au milieu des rinceaux de fleurs, provenant de la Sainte-Chapelle, est scellée dans le mur. Elle est entourée à gauche des blasons des notables bourbonnais ayant parrainé les nouvelles cloches en 1869, et à droite ceux de Mgr de Dreux-Brézé et du baron d'Aubigny. De chaque côté de l'autel, on reconnaît à gauche le blason des chanoines de la Sainte-Chapelle qui étaient commis à la garde des reliques, et à droite celui des sires de Bourbon. Tout en bas du mur du vitrail, on trouve plusieurs plaques rappelant le nom des curés de Bourbon inhumés dans la chapelle (les curés Goigoux, Petitjean, Richard et Desrosiers).
Au mur faisant face à l'autel, est accroché un tableau exécuté par Decaen en 1872, offert à l'église par le baron d'Aubigny en 1877, et représentant la cérémonie de la translation solennelle des Reliques par Mgr de Dreux-Brézé le 21 septembre 1869. Parmi les personnages entourant le prélat, assisté de son vicaire général et du curé Desrosiers, on reconnaît : le baron et la baronne d'Aubigny agenouillés l'un sur un prie-dieu, l'autre sur un carreau de velours rouge ; deux prêtres de Bourbon, les abbés Barret et Dionné ; deux religieuses de la congrégation Notre-Dame de Moulins ; une soeur de Saint-Vincent de Paul ; le comte Charles de Bourbon et le vicomte de Tournon, amis des donneurs ; M. Dutremblay, conducteur des Ponts-et-Chaussées.
- La décoration de l'église
Les autels des chapelles de la Sainte-Vierge et du Sacré-Chœur ont été exécutés sur les plans du curé Desrosiers ; celui de la chapelle de la Vraie-Croix a été dessiné par M. Courtin.
La décoration du chœur et des chapelles rayonnantes est l'œuvre du peintre A. Dauvergne, tandis que celle de la chapelle de la Sainte-Vierge revient à l'abbé Taconnet, les autres chapelles étant décorées par le curé Desrosiers.
On retrouve quelques vestiges des peintures originelles de l'église, faites de rinceaux et de damiers alternés ocres et bleus sur le premier arc du bas-côté nord (gauche). Mais on ne peut que déplorer le badigeonnage opéré au début de notre siècle par un suisse, du nom de Striberni, habitant Bourbon où il est décédé en 1910.
Enfin, plusieurs peintures, en fort mauvais état, sont accrochées aux murs des bas-côtés de l'église, près du déambulatoire. Il s'agit d'un Saint-Pierre en prière, et d'une Pentecôte. Par contre, cette dernière est enchâssée dans un magnifique cadre en bois sculpté qui daterait du XVIe siècle.
L'église présente encore divers objets dignes d'intérêt et même pour certains remarquables. Il en est ainsi du magnifique Christ en merisier sculpté du XVIIIe siècle qui occupe le fond du chœur. Il en est de même de l'admirable statue en grès de Sainte-Marie-Madeleine placée près de la porte d'entrée gauche de l'église. Cette statue est issue d'une "Mise au Tombeau" provenant de la Sainte-Chapelle du château. Du début du XVIe siècle, œuvre typique de l'école bourbonnaise de Michel Colombe, elle fut peinte autrefois. Elle est remarquable par sa grâce, son fin visage au front bombé, aux yeux étirés, et par son expression de douceur attristée.
Les fonts baptismaux, ornés de dauphins et d'imbrications, sont datés de 1537 et portent l'inscription gothique suivante :
L'AN MILV ET XXXX CES FONS FIST FAIRE CURE M.J.ROCHET
On en terminera avec l'orgue classé à seize jeux qui, sans être très ancien puisqu'il date de 1892, est cependant de très belle facture. Pendant ses cures à Bourbon, Camille Saint-Saens joua à la messe paroissiale sur cet orgue.